Marc Jacouton : « les ODD s’adressent aux PME pionnières » (RSE Développement)
Marc Jacouton dirige RSE développement, un cabinet d’accompagnement des PME sur les sujets de RSE. Pour ce spécialiste reconnu du développement durable, la responsabilité économique promue par les Nations Unies via les objectifs de développement durable (ODD), loin de constituer une nouvelle obligation de reporting, sont en réalité une aubaine pour les petites et moyennes entreprises. À la condition qu’elles soient déjà matures sur les sujets environnementaux, sociétaux et de gouvernance. Explications.
RSEDATANEWS : les objectifs de développement durable constituent-ils à vos yeux une obligation de reporting supplémentaire pour les PME ?
Marc Jacouton : Clairement pas. Les petites entreprises que nous accompagnons n’ont la plupart du temps pas d’obligation de reporting extra financier. Leurs stratégies RSE, qui s’accompagnent de plans de mis en œuvre, découlent d’engagements volontaires. Des engagements qu’il faut mesurer mais hors d’un cadre légal. C’est la notion de performance qui prévaut. Ce reporting sur mesure s’adresse en particulier aux parties prenantes, qu’elles soient internes ou externes à l’entreprise. Il vise, concrètement, à formuler des objectifs et à décrire de manière transparente ce qui est mis en place pour les atteindre. Les entreprises que nous accompagnons sont souvent familiales. Ces patrons rendent essentiellement des comptes … à eux mêmes. Ils sont aussi dans une logique de transmission à leurs héritiers, ce qui les poussent à se poser cette question : comment faire pour que ma boite soit encore rentable d’ici 20 ou 30 ans ?
RSEDN : Mais en quoi ces ODD peuvent-ils concrètement être utile à ce type d’entreprises ?
M.J : leurs dirigeants ont bien compris que l’échéance des ODD, c’est l’année 2030. Il existe une convergence de calendrier. Et puis ces 17 objectifs onusiens leur permettent de prendre un peu de hauteur. C’est, par exemple, vrai sur la question de la biodiversité Un sujet peu abordé dans le référentiel ISO 26 000 mais traité dans l’ODD n° 15. Cela les oblige à changer de point de vue et contribue à les faire progresser.
« Prolonger des stratégies RSE déjà existantes »
RSEDN : mais pour qu’une entreprise accepte de se remettre en question, il faut qu’elle soit déjà mature sur les questions de responsabilités sociales et environnementales. Concrètement, une PME n’ayant pas une solide stratégie RSE ne peut pas s’appuyer sur les ODD…
M.J : Je vous le confirme, malheureusement. Les ODD servent à prolonger des stratégies RSE déjà existantes. Les PME ayant adopté comme référentiel les 7 piliers de l’ISO 26 000 ( gouvernance, droits humains, conditions de travail, bonnes pratiques dans les affaires, relations avec le consommateur, environnement et engagements sociétaux, NDLR) sont les mieux placées.
RSEDN : Des travaux sont actuellement menés, notamment par de grands groupes d’audit et de conseil en partenariat avec l’ONU, pour définir un référentiel ODD spécifique aux entreprises. Jugez-vous cette démarche légitime ? Est-elle utile ?
M.J : Je considère plutôt d’un mauvais œil ce type d’initiative. Les PME aussi, dans leur majorité. Ce n’est pas en créant un cadre contraignant supplémentaire que l’on attire ce type d’entreprise sur ces enjeux RSE. Je ne parle d’ailleurs presque jamais d’objectifs du développement durable avec les entreprises que j’accompagne. Elles préfèrent parler des enjeux et de développement de création de valeurs pour elles.
