À quelques jours, d’un inéluctable troisième confinement, en rien comparable aux deux précédents, la perspective d’un avenir différent se dessine. Si le monde retrouve peut-être – un jour – son fonctionnement d’avant Covid-19, nul doute que l’impact de la crise sanitaire continuera de peser fortement sur les hommes et les entreprises, et transformera durablement nos habitudes de consommation pour les prochaines décennies. L’occasion, pour nos sociétés, de se réinterroger, de réinventer, de revenir aux fondamentaux et d’écrire une nouvelle page d’un avenir désirable, plus tout à fait comme hier.
La nouvelle année 2021 n’a pas apporté l’embellie espérée. Du moins pas encore. Alors que plane la menace imminente d’un troisième confinement, la vie sous cloche Covid s’étire en longueur, avec son lot de contraintes, de renoncements temporaires et de désespoirs. Néanmoins, plutôt que de sombrer dans la dépression ou la maladie mentale, il est des points positifs à retirer de cette crise devenue, par la force des choses, notre quotidien. Tout d’abord, elle a mis en relief notre capacité d’adaptation, tant individuelle que collective. Les entreprises ont, très vite, su déployer les outils IT et le travail à distance. En généralisant un télétravail jusqu’alors marginal, elles ont pu maintenir leur efficacité sans s’effondrer malgré les confinements à répétition et autres couvre-feux. En moins d’un an, l’économie française a fait preuve de résilience. Jusqu’à quand ? Difficile à dire, tant le contexte sanitaire est mouvant et incertain.
L’irruption de nouveaux variants du coronavirus au moment-même où l’on espérait les premiers effets bénéfiques de la campagne de vaccination, a brouillé les indicateurs de janvier. La reprise rapide de l’économie espérée n’aura pas lieu. Un contexte économique et sanitaire incertain auquel tous les Français vont devoir s’habituer, de gré ou de force.
Vivre sous cloche
Toutes les mesures d’accompagnement possibles pour soutenir un pays peuvent être imaginées mais notre espèce semble bien en danger devant cette menace de la nature. La simple mutation à répétition d’un virus, existant dans le règne animal, a suffi à déstabiliser le fragile équilibre de notre écosystème mondial. Certes, la science a rapidement apporté des solutions (identification du virus, définition de gestes et protocoles pour s’en prémunir, développement d’un vaccin à ARN messager en temps record, etc.). Mais la pandémie n’en fait qu’à sa tête et nous rappelle à quel point nous sommes fragiles, mortels et humains.
Cette brutale prise de conscience de notre finitude, par un simple virus qui entrave nos vies, a plusieurs vertus : cela nous questionne, nous oblige à réfléchir sur nous-même, sur le sens à donner à notre vie, nos aspirations profondes, les différences intergénérationnelles, nos modèles sociétaux… Quoique salutaire, cette introspection forcée est de plus en plus mal vécue par les jeunes générations, privées de leurs libertés et de leurs moyens d’échanger, de se rencontrer et de se construire. Cette génération Y et Z à qui l’on entrave le chemin de l’école aujourd’hui est en train de payer le prix fort de la crise : leur formation est impactée, leur orientation est perturbée et leur insertion dans la vie professionnelle retardée, engendrant un spleen générationnel quand ce n’est pas, carrément, une plongée dans la précarité et la dépression. La lettre de Victor, étudiant en droit, au Président Macron illustre le cri du cœur de cette jeunesse désemparée.
Vivre autrement nos relations
Condamnés à changer, nous reconstruisons inconsciemment, petit à petit, un monde nouveau, avec des pratiques différentes. Tout cela a été rendu possible notamment par une logistique sans faille, dont l’efficacité a encore été démontrée par la crise. Du « click and collect » à la livraison au dernier kilomètre, le commerce a intégré à marche forcée la dimension numérique pour mieux servir des consommateurs restreints dans leurs déplacements. Certains restaurateurs ont créé des concepts spéciaux, élaboré des repas, des packagings et des modes de cuisson spécifiques à la livraison. Le point de vente lui-même est en train de se réinventer. Showroom, boutique éphémère, tiers lieux : la boutique physique sera amenée à évoluer fortement vers de nouvelles fonctionnalités, toutes sauf marchandes. Lieu d’expérience plus que lieu de vente, elle va devoir se montrer désirable pour attirer un consommateur encore plus connecté et qui, lui, a changé.
La pandémie a bouleversé nos usages et nos modes relationnels. Fini les concerts rassemblant des milliers de spectateurs, les gigas manifestations : l’événementiel, avec une perte de 80% de son chiffre d’affaires en 2020 est l’une des filières les plus touchée par la crise. Au premier janvier, restaurants, bars, discothèques et cinéma, tous les lieux de sociabilité, sont demeurés fermés. Dans la restauration collective, le nombre de convives à table est limité à 4, les chaises occupées doivent être séparées d’un mètre et la jauge maximale est fixée à une personne pour 8 m2, tout comme les boutiques et les centres commerciaux. Qu’à cela ne tienne, c’est aujourd’hui le restaurant qui arrive à la maison. Ne reste plus qu’à allumer les bougies, mettre de la musique et ouvrir une bonne bouteille de vin pour que la vie reprenne le dessus.
Entrepreneurs, commerçants ou restaurateurs ont déjà saisi de nouvelles opportunités : rendez-vous shopping, télé-coaching individualisés 360°… Cette personnalisation de l’offre s’inscrit dans une tendance qui s’installe depuis plusieurs années. Amazon, Netflix ou Spotify la mettaient déjà en œuvre à travers des logiques de recommandation ciblée, pages d’accueil personnalisées ou systèmes de curation. De la même façon, durant ces 10 derniers mois, les commerçants physiques se sont rapprochés des consommateurs et ont retrouvé leur véritable raison d’être : la proximité et l’intimité client. C’est en s’adressant à l’individu plutôt qu’au flux, à travers des offres multicanales et autres services dédiés, que le retail de demain démontrera sa valeur ajoutée et sa raison d’être. Les crises ont l’avantage de raviver les fondamentaux et d’accélérer les transformations.
Vivre le monde avec Covid
Puisque, de toute évidence, nous allons devoir continuer à vivre à distance encore pour quelques temps, il est temps de rentrer individuellement et collectivement en résistance : soyons des résistants pour la vie ! Prêts à continuer à vivre coute que coute et à rebondir quand la situation l’exigera. Partout, les exemples d’entrepreneurs qui se sont réinventés foisonnent. Dans l’industrie textile, secteur bousculé qui a su mettre à disposition son outil de production – circuit court – pour faire des masques de protection en urgence pour équiper la population ; cette même filière qui pousse le e-commerce, bien avant la pandémie, avec l’innovation a permis aux marques les plus avancées sur le digital de résister. Des outils de prises de mensurations en ligne (on pense, par exemple, à l’application MySizeID, une solution clé en main sur smartphone qui aide les internautes à choisir la taille de vêtements appropriés à la marque choisie, en fonction des mensurations corporelles en temps réel). Les certitudes et business modèle de la mode se réinventent à mesure que la crise évolue. L’accélération de la seconde main, la rationalisation des collections, la relocalisation des fabrications et le retour à l’essentiel, sont les signaux faibles d’une consommation plus responsable qui progresse à grands pas.
« Toutes les études convergent, post-Covid la clientèle n’achètera plus pareil et gardera des habitudes de consommation ancrées pendant la crise sanitaire. »
Et c’est sur l’internet mobile que tout va se jouer. Sous l’ère Covid, l’écran digital devient l’incontournable canal de dialogue entre les parties prenantes : tout se montre, tout se « like », tout se commente, pour le meilleur et pour le pire. L’écran de nos « devices » préférés s’érige comme la nouvelle place de marché où l’on peut se rencontrer, « chatter », « twitter », poster ses photos, faire entendre sa voix, raconter n’importe quoi et montrer que l’on existe. La crise a clairement augmenté le temps passé devant les écrans. Une étude réalisée en ligne par Harris Interactive pour l’association Assurance Prévention/IRMES, évalue cette hausse à 50%, soit 33,3 heures en moyenne par semaine, pour les 6 à 18 ans entre février et juin 2020. Et pour cause, les médias sociaux (TikTok, Whatsapp, Instagram, Zoom Cloud Meetings, Facebook Messenger, Netflix, Vinted, Snapchat…) stimulent 24/24 les cerveaux de nos enfants. Attention, toutefois, à ce que ces flux digitaux sur écran ne viennent pas nous lobotomiser et prendre la place des livres qui eux, seuls, nous ouvrent une vraie fenêtre sur les autres et le reste du monde. De confinement en confinement, on apprend un peu plus à vivre avec des virus. Dans ce nouveau mode existentiel, nos outils numériques ne devront pas remplacer nos rêves : pour nous, et surtout pour nos enfants, gardons intact notre capacité à imaginer un autre monde post-Covid !