L’inimaginable reconfinement

Oct 28, 2020 | Tribune des experts, Tribune Marc Jacouton

L’inimaginable reconfinement

Pandémie Covid-19, acte II. Alors que le pouvoir exécutif annonce chaque jour de nouvelles mesures de restrictions sanitaires, la menace tant redoutée d’un reconfinement total plane, avec tout ce que cela implique de répercussions économiques, sociales et environnementales. Pourquoi ne pas essayer de vivre avec le virus plutôt que contre lui ? Pourquoi ne pas accompagner dans un confinement les plus fragiles d’entre nous ? L’économie dans son ensemble et l’espoir de notre jeunesse en dépendent.

Nous voici entrés à l’automne dans l’ère des très grandes incertitudes. L’inéducable re-confinement, même partiel, nous fait courir le risque de faillites d’entreprises en cascade, de l’effondrement de notre économie, nous privant, au passage, un peu plus longtemps, de nos libertés individuelles et collectives et peut-être même de nos traditionnelles fêtes de fin d’année. Un scénario auquel on ne voulait pas croire il y a encore quelques semaines tant la reprise espérée de septembre devait se dérouler sous d’autres auspices. Une nouvelle fermeture des commerces, des entreprises et des services va enfoncer le clou d’une crise économique et sociale déjà bien installée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ce sont près de 600 000 TPE-PME qui pourraient disparaître avant la fin de l’année. En moyenne, les entreprises auront perdu près d’un tiers de leur chiffre d’affaires en 2020. Si toutes ont été touchées par la crise sanitaire, les plus petites sont particulièrement ébranlées, notamment dans le secteur des services. Ce sont pourtant nos 3 millions de TPE-PME qui représentent le tissu économique de la France, les emplois sur les territoires et sont les principaux vecteurs de création de nos richesses.

Éviter la catastrophe économique 

Tous les secteurs d’activité ne sont pas logés à la même enseigne : là où l’agroalimentaire et la grande distribution résistent, produisant et fournissant des produits de première nécessité aux consommateurs, l’habillement ou l’hôtellerie-restauration flanchent. La généralisation du télétravail destinée à assurer la continuité de service des entreprises et les mesures de couvre-feu ont augmenté le temps passé à domicile et le nombre de repas consommés chez soi. Ces nouvelles habitudes de distanciation sociale imposées par la pandémie ont ancré dans notre quotidien de nouvelles habitudes d’achat : e-commerce, livraison à domicile, produits de seconde main et toutes les solutions de « click and collect » qui facilitent l’achat rapide en magasin. Elles sont aussi une opportunité, pour les entreprises, d’explorer de nouveaux modèles. Durant le confinement, Kiabi a, par exemple, assuré une continuité de services via sa plateforme e-commerce, notamment pour habiller les bébés nés pendant le premier confinement. Pour éviter la catastrophe économique, il faut dès aujourd’hui investir massivement dans les secteurs porteurs de demain, encourager et soutenir les entrepreneurs, les industriels et les forces vives contributrices de la transformation de l’économie.

La crise offre l’occasion aux entreprises de régénérer leurs organisations, leurs collaborateurs et leurs écosystèmes naturels, afin de s’engager vraiment dans la transition écologique.

Confiner les plus fragiles 

Ce mouvement doit s’enclencher de façon responsable et solidaire : deux notions résolument d’actualité. Il devient aujourd’hui incompréhensible et inaudible de reconfiner l’ensemble de la population alors que, selon Santé publique France, 60 % des décès imputés au Covid-19 depuis le 1er mars 2020 concernent les plus de 80 ans. Les personnes dites « fragiles », que ce soit en raison de leur âge ou de leur état de santé, pourraient être isolées au cas par cas, protégées et accompagnées dans une retraite forcée sans que cela n’impacte la vie du pays en entier. S’il est illégal en France de discriminer positivement une population au profit de la santé d’une autre, l’on peut toutefois envisager une responsabilisation des individus.

Prôner l’auto-confinement des plus « fragiles » au cas par cas en apportant toute l’assistance solidaire nécessaire.

Plutôt que d’infantiliser les jeunes et les adultes par une liste d’interdits, pourquoi ne pas laisser les plus concernés par la pandémie s’auto-confiner et prendre en main leur santé, cela avec l’aide des nouvelles technologies (écrans digitaux, plateformes de services, outils d’assistance digitale, etc.) pour remédier à la solitude et aux besoins du quotidien ? Après tout, ce n’est pas la première crise que nous traversons : le peuple français a, par le passé, connu des guerres, des disettes et des pandémies ; nos ancêtres et la nature elle-même savent ce qu’est la survie par l’isolement mais également que, bien souvent, la nature reprend ses droits. Il va falloir apprendre à vivre avec le Covid et tous les risques que cela comporte – tout comme nous l’avons fait avec le VIH, en attendant qu’un vaccin vienne mettre un terme à cette séquence sanitaire.

Ne sacrifions pas notre jeunesse !

D’ici-là, ne négligeons pas les jeunes générations en les privant d’espoir, de présent et de futur. Il faut sauver l’avenir ceux qui, pour la grande majorité, ne sont pas concernés par le virus et qui attendent, plus que tout, de pouvoir vivre leur vie, se construire, grandir, se projeter. Cette jeunesse que nous enfermons aujourd’hui et que nous coupons de toute interaction sociale constitue les forces vives du monde de demain.

Nous ne pouvons pas continuer à hypothéquer leur formation, leur insertion professionnelle et leur santé mentale

(selon un récent sondage de l’IFOP, les deux tiers des 25-29 ans interrogés se déclarent injustement accusés d’être responsables de la reprise de l’épidémie) en raison de l’urgence sanitaire. Non seulement nous les pointons comme principaux coupables de la propagation du virus, mais plus grave, nous faisons peser sur leurs épaules le poids d’une dette économique en héritage. Plutôt que de sacrifier la jeunesse, nous devrions nourrir leurs rêves d’un futur positif et écrire un nouveau récit du monde post-Covid où notre consommation serait moins futile, plus solidaire et plus engagée vis-à-vis de la planète. Ce discours volontariste est notre seule porte de sortie par le haut. Il nous permet aussi de prendre du recul sur nos erreurs, notamment les dérives d’une production alimentaire intensive ou d’une exploitation irraisonnée des ressources naturelles,  néfastes pour les hommes comme pour la planète.

Individuellement et collectivement, osons tirer des leçons de cette crise sanitaire. D’abord, de gré ou de force, nous allons devoir nous réinventer en nous recentrant sur l’essentiel : « back to the basics ». Réapprendre à consommer mieux, à travailler différemment, à réindustrialiser nos territoires, à faire soi-même ou ensemble ce que nous confions à d’autres moyennant rétribution : telles sont les pistes de développement d’une société devenue actrice de son destin et non plus victime de ses excès et de leurs effets sur l’environnement. Nous avons, toujours, le pouvoir de changer le monde ! Ensuite, la crise aura montré des limites à la solidarité intergénérationnelle qui, depuis plusieurs années, repose surtout sur les efforts des plus jeunes envers les plus vieux (allongement du temps de travail, financement des retraites, et, désormais, protection sanitaire).

Le sens de la solidarité s’inverse à l’heure où un jeune actif a moins de pouvoir d’achat qu’un retraité.

Enfin, n’oublions pas la dimension mondiale de cette pandémie et la nécessaire coalition des pays européens. À l’heure où la Chine semble redémarrer comme si de rien n’était, gageons que l’Europe réussisse à s’entendre et à s’unir pour faire face aux super puissances chinoises et américaines. 2021 doit être l’année du redémarrage, du changement et des projets d’avenir vers le cap 2030.

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