Et si la finance durable était l’avenir de la RSE ?

Fév 26, 2021 | Tribune des experts, Tribune Sébastien Magnan

La finance responsable était il y a quelques années encore la chasse gardée de quelques fonds pionniers, cherchant à maximiser l’impact positif environnemental et/ou social de leurs investissements. Aujourd’hui, les acteurs du private equity n’ayant pas de politique ESG (environnement, social et gouvernance) sont devenus minoritaires . Tirée à la fois par les acteurs publics et privées, l’influence de l’investissement responsable grandit à travers le monde. Conséquence, les fonds d’investissement s’intéressent de plus en plus aux démarches RSE des entreprises. Et certains vont plus loin en cherchant à investir pour maximiser les bénéfices sociaux et environnementaux.

L’audit ESG, déclencheur de démarche RSE
Pour une société de gestion, la politique ESG se concrétise essentiellement dans la manière d’investir et d’accompagner les participations, puisque c’est là son coeur de métier. Pour cela plusieurs outils existent. Dans un premier temps, la réalisation d’un audit de « due diligence ESG » permet d’évaluer la maturité de l’entreprise et d’identifier d’éventuels risques. Puis, une fois l’investissement réalisé, le suivi de quelques indicateurs clés de performance sur des thématiques environnementales, sociales et de gouvernance est mis en place. Enfin, les VDD (vendor due diligence), sorte d’audit diligenté par le vendeur, intègrent de plus en plus souvent l’ESG en phase de cession.
Bien que l’objectif principal de la phase initiale d’audit soit de s’assurer qu’aucun risque majeur n’existe au moment de l’investissement ou dans un futur proche, des effets collatéraux positifs sont souvent observés. Prenons l’exemple d’une PME industrielle en région PACA, qui avait mis en place quelques actions sociales et environnementales « de bon sens ». La réalisation d’un audit ESG diligentée par un fonds a permis l’identification de pistes de progrès sur des thématiques jusque-là peu prises en compte. Ce qui a suscité chez le Dirigeant l’envie de structurer une démarche RSE plus exhaustive et de la valoriser auprès de ses parties prenantes principales, à commencer par ses clients. C’est donc l’investissement dans la société par un fonds ayant une démarche d’investissement responsable qui a mis cette PME sur les rails de la RSE.

L’engagement RSE, facilitateur d’investissements
Et puisque la RSE fonctionne souvent en cercles vertueux, une causalité symétrique est très courante. Comme expliqué plus haut, l’analyse des pratiques ESG d’une entreprise est une pratique de plus en plus répandue dans le private equity, que ce soit en amont ou au cours de l’investissement. Bien que les résultats financiers des participations demeurent l’outil central d’analyse de la performance, les indicateurs ESG prennent petit à petit leur place dans les tableaux de bord. Cette tendance devrait continuer de s’accentuer. D’une part, le monde de la finance et les pouvoirs publics renforcent la place de l’ESG dans les politiques d’investissement : exigence du label France Relance pour les investissements dans des PME françaises d’intégrer les principes ESG, accent mis sur les résultats chiffrés des participations dans la version 2021 du reporting des PRI (Principes pour l’investissement responsable), etc. D’autre part, la plus grande résilience et la meilleure compétitivité observées (source) dans les entreprises engagées dans la RSE attisent l’intérêt des fonds pour ces entreprises. Comme écrit plus haut, certains fonds réalisent des audits ESG au moment de céder leurs participations. Cela permet de montrer qu’en plus d’une bonne santé financière, l’entreprise a aussi des bons résultats extra)financier. La RSE est donc pour une PME un moyen de trouver plus facilement des investisseurs (voire des repreneurs), même en temps de crise.

Combiner croissance et régénération : l’investissement à impact
Les sociétés de gestion « classiques » s’intéressent principalement aux performances financières de leurs participations, en y ajoutant des critères RSE permettant de mesurer et minimiser les externalités sociales et environnementales négatives. Une approche dite d’ « investissement à impact » consiste à aller plus loin en cherchant à favoriser l’émergence d’externalités positives par l’activité d’une entreprise. Les fonds à impacts sont de plus en plus nombreux et la question se pose alors de la mesure de la performance des entreprises à impact investies par ces fonds. Comme pour toute entreprise, un modèle économique pérenne est nécessaire. Mais pour une entreprise à impact, le prisme d’analyse doit également intégrer les capitaux humains et naturels, sur lesquels l’entreprise cherche à avoir un impact positif. Au delà d’un résultat net en euros, des tonnes de CO2 évitées peuvent par exemple entrer au bilan de l’entreprise. Sans cette mesure, l’impact positif de l’entreprise ne pourrait être traité d’égal à égal avec la performance financière. Encore éloignée des grilles de lecture de la finance traditionnelle, gageons que cette approche va de développer dans les années à venir. Comme pour les démarches RSE passées au crible d’un audit ESG, le « Triple Bilan » (« Triple Bottom Line » ou « People Planet Profit » en anglais) pourrait devenir un outil répandu pour évaluer la performance globale des entreprises, y compris les PME. Et la RSE serait alors pleinement intégrée aux entreprises et à la mesure de leur performance.

Sébastien Magnan

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